ancienne couturière chez Fremaux Delorme à Lille, 60 ans

Dans le cadre de l’exposition Fibre féminine, nous avons rencontré Mauricette Marquillie, ancienne couturière chez Fremaux Delorme à Lille, 60 ans. Aujourd’hui retraitée, elle nous explique son point de vue sur son métier de couturière.

Je vous dis, il faut partir travailler positif.

Après un CAP au Lycée Servais à Lille, Mauricette Marquillie a fait toute sa carrière dans la confection. Elle a commencé par fabriquer des jupes plissées rue Négrier à Lille puis des produits aussi variés que des manteaux, des robes à crinolines ou des taies d’oreiller. De poste en poste, rarement plus de quelques semaines d’affilée sans emploi, elle garde le souvenir d’un travail fatigant et studieux, dans le silence, avec des fabrications de produits pour toutes les grandes marques régionales (Pimkie, Promod, Camaïeu…). Jamais mieux payée que le salaire minimum, avec de rares primes de rendement qu’il était difficile d’atteindre, elle garde le souvenir vivace d’une fermeture d’usine pour dettes, la porte fermée, sans explication, qui l’a durablement marquée. Après 42 ans de travail, elle a une pension de 950 euros et déconseille aux jeunes venus l’interroger de suivre son exemple.

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Pouvez-vous vous présenter ?

Alors bonjour, je m’appelle Mauricette Marquillies, j’habite aux Bois Blanc et j’ai toujours travaillé dans la confection. Après ben j’ai fait un peu de tout, j’ai fait des manteaux, j’ai fait des robes crinolines. Quand j’ai commencé à travailler, j’ai travaillé rue Négrier, après j’ai fait des jupes plissées, après j’ai fais des taies d’oreiller mais de qualité, je travaillais pour Fremaux Delorme et c’était vraiment de la haute gamme. Et actuellement ici je suis à la retraite.

J’allais au lycée Michel Servais ici à Lille. Quand j’ai eu mon CAP ils nous ont donné quelques noms d’entreprises où on pouvait se présenter donc je suis allée rue Négrier. C’était la première où j’ai été, et on m’a dit on va vous faire faire un essai, et puis avec ça ils m’ont gardé et je suis restée là jusqu’à la fermeture c’est-à-dire 11 ans. Avant quand vous quittiez une entreprise, tout de suite vous trouviez (du travail). J’ai été très peu au chômage j’ai peut-être été 6 mois au chômage pendant ma carrière.

C’est-à-dire que l’ambiance dans une confection bon vous avez des amis tout ça, mais quand vous travaillez vous n’avez pas le droit de parler, vous devez rester à votre place vous avez votre travail, la chef elle vient, y’a une chef qui s’occupe de vous, et elle vous dit ben voilà vous devez faire ça et vous devez en sortir autant (de rendements). Bon peut être pas pour le jour même, mais tout au moins le lendemain on doit toujours progresser pour arriver au top. Le salaire déjà, bon ben c’est le SMIC après si vous faites du rendement ils vous donnent une petite participation mais c’est minime, vous gagnez 100 euros de plus des fois, mais bon c’est très rare.

Y’a une chose qui m’a marquée, je travaillais dans une autre confection, et là on avait travaillé toute notre semaine à fond parce que là c’était une boîte qui tournait, qui tournait, on travaillait pour Promod, Pimkie, après y’avait aussi Camaïeu. Et quand vous arrivez le lendemain, vous voyez que la porte elle est fermée, tout le monde est sur le trottoir, on toque, on toque pour que le concierge vienne vous ouvrir, y’a personne qui vient nous ouvrir, on se demande qu’est ce qui se passe. Même notre petite chef qu’elle était là, elle est arrivée, elle prenait le bus, ben elle dit ben comment que ça se fait, elle dit qu’elle non plus elle était pas au courant. On a attendu jusque 9 h, là y’a des messieurs qui sont venus nous ouvrir, et quand on est arrivé dans le couloir on nous a dit vous allez dans vos vestiaires, et vous restez dans vos vestiaires. Et là, quand après tout le monde est arrivé parce qu’il devait y’avoir quelqu’un de Pôle Emploi qui est venu, tous les fils ils étaient coupés des machines, et on avait pu de travail. Et le patron il a pas eu les prêts parce qu’il avait demandé un prêt pour qu’on puisse continuer à travailler, et le patron il l’a pas eu à la banque, donc ben on a été tous au chômage. Vous allez comme ça dans une entreprise, vous arrivez le lendemain, nous on avait dit on va se dépêcher, on va finir notre boulot. Ça fait drôle hein, ça s’est passé y’a longtemps, mais je l’oublierai jamais.

Je vous dis, il faut partir travailler positif. Si vous commencez, y’a des filles vous savez elles arrivaient, on voyait leur tête « Oh, j’ai pas envie, oh je vais pas y arriver » Je lui dis « Mais t’as pas encore commencé, moi non plus je l’ai pas encore fait ! ». Si tu pars positif, tu vas bien y arriver, tu vas voir et après elles me disent « Oh bah t’as raison ». Ah bah oui j’ai raison…

Bon quand vous partez en retraite vous vous dites on a bien travaillé, j’ai travaillé 42 ans, mais après vous savez quand vous êtes en retraite le salaire il est plus du tout pareil. La confection c’est le textile, et le textile ça rapporte pas. C’est vrai que vous avez un salaire, moi je gagnais 1100 euros en travaillant et là j’ai 950 euros hein. Si vous avez un autre métier, prenez un autre métier.

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