chef de produit chez UTT, 42 ans
Dans le cadre de l’exposition Fibre féminine, nous avons rencontré Céline Delannoy, chef de produit chez UTT (Union textile de Tourcoing), 42 ans. Aujourd’hui responsable des marchandises, de leur conception et de leur commercialisation, elle nous explique son point de vue sur l’héritage d’un passé textile nordiste pour une entreprise du XXIe siècle.
j’ai découvert un univers très affectif avec des valeurs assez fortes, un patrimoine de la région et c’est ça qui m’a plu dès le départ.
Chef de produit chez UTT (Union Textile de Tourcoing), responsable des collections, de leur conception et de leur commercialisation, Céline Delannoy a eu le déclic après un bac scientifique et des études de marketing. Elle intègre la société textile Pimkie en tant que chef de produit en 2000 et garde ce poste chez Tape à l’Œil puis chez UTT, où elle travaille toujours. Attirée par les valeurs véhiculées par les entreprises textile, elle a conscience du patrimoine régional en la matière, et regrette de le voir disparaître petit à petit. Elle reconnaît la grande part féminine du personnel qui l’entoure et témoigne des évolutions de son métier vers les nouveaux outils numériques, de plus en plus utilisés dans ses rapports d’intermédiaire entre sa clientèle et les fabricants. Une évolution des outils de communication qui va également dans le sens d’une internationalisation de sa clientèle.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Céline Delannoy. J’ai une petite quarantaine d’années, deux enfants et je travaille dans le textile depuis dix-sept ans maintenant. J’ai un bac scientifique, j’ai intégré ensuite l’IAE [Institut d’administration des entreprises] pour un master de science de gestion, option marketing. Lors d’un forum étudiant j’ai rencontré les ressources humaines de Pimkie. J’ai eu un déclic, un coup de cœur et c’est comme ça que j’ai intégré d’abord Pimkie, où j’ai travaillé pendant huit ans en tant que chef de produit. Ensuite j’ai travaillé pendant trois ans chez Tape à l’Oeil, toujours en entreprise textile de la région. Et maintenant ça fait six ans que je travaille chez UTT en industrie, sur un poste également de chef de produit.
Et donc, qu’est qui vous a intéressé justement dans le milieu du textile ?Je pense que c’est d’abord historique, quand je suis rentrée dans cet univers j’ai découvert un univers très affectif avec des valeurs assez fortes, un patrimoine de la région et c’est ça qui m’a plu dès le départ.
Aujourd’hui quelle place a le textile dans votre vie ?C’est du quotidien parce que ça fait dix-sept ans maintenant que je travaille dans le textile, cela a une place très importante. Ça reste mon métier, ça reste mon univers. UTT c’est une entreprise familiale basée à Tourcoing, sur le boulevard industriel, et donc on a une filature et teinture. On a également une usine dans l’Audomarois, et donc on fabrique des fils à destination du prêt-à-porter et de l’ameublement. On travaille avec des très grandes marques et aussi avec des marques de la région.
Le fil, c’est la base. C’est le premier pas, la base de la création. On travaille à très long terme. Aujourd’hui, je commence à créer ma collection été 2019. Ensuite ça va être le choix des fils, que l’on va présenter aux clients, ça va être du travail sur les gammes de coloris, que l’on va décliner sur les fils, cela va être travailler sur le marketing, que l’on va mettre derrière, pour que les commerciaux puissent vendre les fils à nos clients. Tous les jours c’est différent, un jour je vais plus faire de la recherche et du développement avec les patrons d’usines ou les acheteurs, et un jour je vais plus travailler sur des gammes de couleurs avec des personnes qui travaillent avec moi sur la création. Je pense que c’est un univers féminin. Très honnêtement, en dix-sept ans, que ce soit chez UTT ou dans les autres entreprises pour lesquelles j’ai travaillé, la majeure partie des employés sont des femmes. Alors peut-être parce que j’ai beaucoup travaillé dans l’univers du prêt-à-porter féminin, puis de l’enfant, il y a sûrement un aspect affectif et donc c’est beaucoup plus les femmes qui y travaillent. À la limite quand on est dans le technique, il y a peut être un petit peu plus d’hommes, mais de manière générale, il y a quand même beaucoup de femmes.
Je pense que UTT a une place très importante, déjà parce que l’on est encore là. On apporte à nos clients un service, qui fait que l’on est encore là. D’être à Tourcoing, on a aussi une proximité avec les entreprises locales, les grandes marques. On sait répondre aux attentes et aux demandes assez rapidement. Je pense que l’on perdure ces métiers anciens, qui existent peu ou presque plus en France. Des filateurs en France, je pense que ça se compte sur les doigts d’une main. On continue à œuvrer pour le patrimoine industriel textile français, même au-delà du Nord.
Comment avez-vous adapté l’entreprise aux contraintes actuelles ?Le numérique, nous, c’est un virage que l’on prend, c’est le quotidien je pense, pour tout le monde maintenant. Toutes les enseignes ont des sites de vente en ligne, mais il ne faut pas oublier que nous, nous sommes des industriels, le mode de fonctionnement n’est pas le même. Ce n’est pas un mode de fonctionnement classique. Le digital nous permet d’être beaucoup plus réactifs.
Personnellement, je suis très fière de travailler dans l’industrie textile. Il n’y a plus beaucoup d’industrie textile dans le Nord alors que c’était un peu notre socle. Je suis fière d’y participer encore aujourd’hui et de faire que l’on puisse encore fabriquer du textile dans le nord de la France et le vendre partout dans le monde. Il y a quelques années, à l’inverse, on allait plutôt fabriquer à l’autre bout du monde pour vendre ici. On peut encore, aujourd’hui, faire dans le bon sens.